Comment les sous-marins communiquent-ils avec le monde extérieur ?
La communication avec les sous-marins est un domaine des communications militaires qui présente des défis techniques et nécessite une technologie spécialisée. Comme les ondes radio ne se propagent pas bien dans les bons conducteurs électriques comme l’eau salée, les sous-marins immergés sont coupés de toute communication radio avec leurs autorités de commandement aux fréquences radio ordinaires. Les sous-marins peuvent reprendre la vue et hisser une antenne au-dessus du niveau de la mer, puis utiliser des transmissions radio ordinaires, mais cela les rend vulnérables à la détection par les forces de lutte anti-sous-marine.
Pendant la guerre froide, on a développé des sous-marins à propulsion nucléaire qui pouvaient rester en plongée pendant des mois. En cas de guerre nucléaire, les sous-marins balistiques en patrouille doivent recevoir rapidement l’ordre de lancer leurs missiles. La transmission de messages à ces sous-marins est un domaine de recherche actif.
Afin de garder discrets les sous-marins en plongée, les commandements navals ont commencé à explorer l’extrémité la plus basse du spectre radioélectrique. Alors que les bandes haute fréquence (HF : 3 MHz à 30 MHz) et basse fréquence (LF : 30 kHz à 300 kHz) sont parfaitement capables d’atteindre le monde entier grâce à la réfraction ionosphérique, la forte conductivité de l’eau de mer atténue rapidement les signaux dans ces bandes.
En descendant encore dans le spectre, la bande des très basses fréquences (VLF : 3 kHz à 30 kHz) permet une pénétration dans l’eau de mer, jusqu’à une profondeur d’environ 20 mètres. En descendant encore plus bas dans le spectre, les signaux dans la bande des fréquences extrêmement basses (ELF : 3 Hz à 30 Hz) sont capables de pénétrer dans 120 mètres d’eau de mer, ce qui est suffisamment profond pour qu’un sous-marin puisse rester furtif.
Il existe un grand nombre de méthodes de communication sous-marine utilisées ou en cours de développement. Voyons certaines d’entre elles plus en détail :
Téléphone sous-marin
Un téléphone sous-marin, parfois appelé Gertrude, est également utilisé pour communiquer avec les submersibles. Le téléphone sous-marin est un système contrôlé par microprocesseur, qui assure la communication entre les sous-marins et les navires par le biais d’ondes acoustiques sous-marines.
Les communications se font de deux manières, en mode téléphonique ou télégraphique. Il existe des versions fixes du téléphone sous-marin pour les navires et des versions portables pour les robots de sauvetage. Il fonctionne généralement entre 2 kHz et 40 kHz.
Très basse fréquence
Les ondes radio VLF (3-30 kHz) peuvent pénétrer dans l’eau de mer jusqu’à quelques dizaines de mètres et un sous-marin à faible immersion peut les utiliser pour communiquer. Un sous-marin à plus grande immersion peut utiliser une bouée équipée d’une antenne tractée par un long câble. La bouée remonte à quelques mètres sous la surface et, discrète, reste indétectable des sonars et radars ennemis. Cependant, ces exigences d’immersion limitent les sous-marins à de courtes périodes de réception et la technologie de lutte anti-sous-marine pourrait être capable de détecter le sous-marin ou la bouée-antenne à ces faibles immersions.
Le bruit de fond naturel augmente lorsque la fréquence diminue, il faut donc une grande puissance rayonnée pour le surmonter. Pire encore, les petites antennes (par rapport à une longueur d’onde) sont intrinsèquement inefficaces. Cela implique des puissances d’émission élevées et de très grandes antennes couvrant des kilomètres carrés. Si les sous-marins ne peuvent donc pas émettre VLF une antenne relativement simple (généralement un long fil tracté) suffira pour la réception. Autrement dit, la VLF est toujours unidirectionnelle, de la terre au bateau. Si une communication bidirectionnelle est nécessaire, le bateau doit reprendre la vue et hisser une antenne pour communiquer sur des fréquences plus élevées, généralement HF et plus.
En raison de l’étroitesse des bandes passantes disponibles, la transmission de la voix est impossible ; seules les données lentes sont prises en charge. Les débits de transmission de données VLF sont d’environ 300 bit/s, la compression des données est donc essentielle.
Seuls quelques pays exploitent des installations VLF pour communiquer avec leurs sous-marins : Allemagne, Australie, États-Unis, France, Inde, Norvège, Pakistan, Royaume-Uni, Russie et Turquie.
Extrêmement basse fréquence
Les ondes électromagnétiques, dans les gammes de fréquences ELF et SLF (3-300 Hz), peuvent pénétrer dans l’eau de mer jusqu’à des centaines de mètres de profondeur, ce qui permet d’envoyer des signaux aux sous-marins aux immersions où ils opèrent. La réalisation d’un émetteur ELF est un formidable défi, car il doit fonctionner à des longueurs d’onde incroyablement grandes : le projet ELF de la marine américaine, qui était une variante d’un système plus vaste proposé sous le nom de code Project Sanguine, fonctionnait à 76 Hertz. Le système soviétique/russe (appelé ZEVS) à 82 Hertz. Ce dernier correspond à une longueur d’onde de plus de 3600 kilomètres soit plus d’un quart du diamètre de la Terre. De toute évidence, il est impossible de construire une antenne dipôle de demi-longueur d’onde.
Dès lors, celui qui souhaite construire une telle installation doit trouver une zone où la conductivité du sol est très faible (une exigence opposée aux sites habituels d’émetteurs radio), enterrer deux énormes électrodes dans le sol à des endroits différents, puis les alimenter à partir d’une station située au milieu. Bien que d’autres séparations soient possibles, la distance utilisée par l’émetteur ZEVS situé près de Mourmansk est de 60 kilomètres. Comme la conductivité du sol est faible, le courant entre les électrodes va pénétrer profondément dans la terre, utilisant essentiellement une grande partie du globe comme antenne. La longueur de l’antenne à Republic, Michigan, était d’environ 50 kilomètres. L’antenne est très inefficace. Pour la faire fonctionner, une centrale électrique dédiée semble être nécessaire, bien que la puissance émise sous forme de rayonnement ne soit que de quelques watts. Sa transmission peut être reçue théoriquement partout. Une station en Antarctique à 78° S 167° W a détecté une transmission lorsque la marine soviétique a mis en service son antenne ZEVS.
En raison de la difficulté technique de la construction d’un émetteur ELF, les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde sont les seules nations connues pour avoir construit des stations de communication ELF. Jusqu’à son démantèlement fin septembre 2004, le Seafarer américain, appelé plus tard système Project ELF (76 Hz), était constitué de deux antennes, situées à Clam Lake, Wisconsin (depuis 1977), ainsi qu’à Republic, [dans la Péninsule Supérieure de l’état du Michigan] (depuis 1980). L’antenne russe (ZEVS, 82 Hz) est installée sur la péninsule de Kola, près de Mourmansk. Elle a été repérée par l’Occident au début des années 1990. La marine indienne dispose d’une installation de communication VLF opérationnelle sur la base navale INS Kattabomman pour communiquer avec ses sous-marins de classe Arihant et de classe Akula. Depuis 2012, cette installation a été modernisée pour pouvoir également transmettre des communications ELF. La Chine, quant à elle, a récemment construit la plus grande installation ELF du monde, de la taille de la ville de New York, afin de communiquer avec ses forces sous-marines sans qu’elles aient revenir à l’immersion périscopique.
Le son voyage loin dans l’eau et les hydrophones sous-marins peuvent couvrir une grande distance. Apparemment, les marines américaine (SOSUS) et russe auraient placé des équipements de communication sonique dans les fonds marins des zones fréquemment parcourues par leurs sous-marins et les auraient reliés par des câbles de communication sous-marins à leurs stations terrestres. Un sous-marin tapi près d’un tel dispositif, pourrait ainsi rester en contact avec son quartier général.
[NDLR : Dans le doute Le conditionnel a, ici, remplacé l’indicatif présent initial]
Transmission acoustique
Technologie radio standard
Un sous-marin peut utiliser des communications radio ordinaires (en surface ou à l’immersion périscopique). Les sous-marins peuvent utiliser les fréquences navales dans les bandes HF, VHF et UHF et transmettre des informations par des techniques de modulation vocale et télégraphique. Lorsqu’ils sont disponibles, les systèmes de communications militaires par satellite dédiés sont préférés pour les communications à longue distance, car les HF peuvent trahir l’emplacement du sous-marin. Le système de la marine américaine est appelé Submarine Satellite Information Exchange Sub-System (SSIXS), une composante du système de communication par satellite à ultra-haute fréquence de la marine (UHF SATCOM).
Combiner les transmissions acoustiques et radio
Une technologie récente développée par une équipe du MIT combine les signaux acoustiques et le radar pour permettre aux sous-marins immergés de communiquer avec les avions. Un émetteur sous-marin utilise un haut-parleur acoustique dirigé vers la surface. L’émetteur envoie des signaux sonores multicanaux qui se déplacent sous forme d’ondes de pression. Lorsque ces ondes frappent la surface, elles provoquent de minuscules vibrations. Au-dessus de l’eau, un radar, dans la gamme des 300 GHz, fait rebondir en permanence un signal radio sur la surface de l’eau. Lorsque la surface vibre légèrement sous l’effet du signal sonore, le radar peut détecter les vibrations, complétant ainsi le trajet du signal entre le haut-parleur sous-marin et un récepteur aérien. Cette technologie est appelée communication TARF (Translational Acoustic-RF (*) ) car elle utilise une traduction entre les signaux acoustiques et RF. Bien que prometteuse, cette technologie n’en est qu’à ses débuts et n’a été testée avec succès que dans des environnements relativement contrôlés avec de petites ondulations de surface, jusqu’à environ 200 mm, mais des vagues plus importantes ont empêché la communication de données.
(*) : RF pour Radio-fréquence
Modems sous-marins, projet JANUS
En avril 2017, le Centre de recherche et d’expérimentation maritimes de l’OTAN a annoncé l’acceptation de JANUS, un protocole normalisé permettant de transmettre des informations numériques sous l’eau à l’aide de sons acoustiques (comme le faisaient les modems et les télécopieurs sur les lignes téléphoniques analogiques).
Les satellites et les téléphones mobiles, qui reposent sur des normes internationales, aident le monde à se connecter. Mais la technologie de communication que nous utilisons sur terre ne fonctionne pas bien sous l’eau. Comme l’eau recouvre plus de 70 % de la surface de la terre, l’OTAN a parrainé des recherches visant à établir la toute première norme numérique de communication sous-marine.
Documentée dans le STANAG 4748, elle utilise des fréquences de 900 Hz à 60 kHz à des distances pouvant atteindre la trentaine de kilomètres. Elle peut être utilisée avec des dispositifs militaires ou civils, OTAN et non OTAN ; elle a été nommée d’après le dieu romain des portes, des ouvertures, etc.
WIFI sous-marin
Les communications sous-marines à bande passante limitée ont certainement leur place, mais la possibilité de communiquer de manière sécurisée sous l’eau à des débits binaires élevés pourrait être possible si de nouvelles recherches portent leurs fruits. Dans un article récent, Basem Shihada et ses collègues de l’Université des sciences et technologies du roi Abdullah [Arabie Saoudite] ont fait la démonstration d’un système appelé « Aqua-Fi » qui étend l’internet au domaine sous-marin. En utilisant principalement des composants disponibles dans le commerce, dont un Raspberry Pi 3b, ils ont réussi à construire un réseau sans fil conforme à la norme IEEE 802.11 d’une portée de 20 mètres. Des LED et des lasers ont été utilisés comme émetteurs, les lasers offrant une plus grande portée mais étant moins directionnels. Lors de tests réalisés à l’aide de smartphones étanches et de lasers bleus et verts, les chercheurs ont pu atteindre une vitesse de 2,11 Mbps et passer des appels Skype via la liaison Aqua-Fi.
Il est peu probable qu’Aqua-Fi ait un avenir en tant que réseau pour les sous-marins, mais la guerre sous-marine est loin d’être la seule activité qu’un tel système pourrait soutenir. La recherche sous-marine pourrait bénéficier de la mise à disposition de l’Internet sous la surface ; on pourrait imaginer une bouée à énergie solaire avec une liaison satellite au-dessus de la surface et une série de points d’accès Aqua-Fi traînant dans les profondeurs. Les plongeurs, les véhicules télécommandés ou les drones autonomes pourraient profiter d’une connexion permanente à l’internet, ce qui permettrait de réaliser des progrès dans les domaines de la biologie marine, de la géologie, de la conservation ou même simplement des loisirs comme la plongée sportive.
Source : Naval Post