Corée du Sud – Un premier sous-marin nucléaire d’ici peu ?
Les sous-marins nucléaires offrent des avantages significatifs par rapport aux sous-marins non nucléaires. La Corée du Sud cherche à les acquérir depuis de nombreuses années et a maintenant l’industrie pour le faire.
De plus en plus de pays se tournent vers les sous-marins à propulsion nucléaire. La Marine royale australienne a lancé le programme AUKUS cette année. Et la marine brésilienne a approuvé la construction de son bateau SN-BR le 25 novembre. Pendant ce temps, les analystes de la défense surveillent un autre candidat probable dans le jeu des sous-marins atomiques, la Corée du Sud.
Le 10 novembre, les médias locaux (en coréen ) ont fait état d’un projet de début de travaux sur un réacteur nucléaire local . Le système polyvalent est décrit en termes civils. Mais les observateurs ont rapidement fait l’association avec un programme de sous-marin nucléaire de la marine sud-coréenne (ROKN). (Dans la terminologie navale, le sous-marin nucléaire fait référence au réacteur, pas à l’armement).
Ce n’est un secret pour personne que la Corée du Sud s’intéresse à la construction de sous-marins nucléaires. C’est une discussion ouverte depuis près de vingt ans que AUKUS n’a fait que raviver. La Corée du Sud a désormais les capacités industrielles pour construire des sous-marins et l’industrie nucléaire pour y parvenir.
Motivations pour le sous-marin KSS-N
Si AUKUS est peut-être le catalyseur le plus évident, ce n’est pas la raison pour laquelle la Corée du Sud s’intéresse à la construction d’un KSS-N (un terme non officiel, faisant référence à un sous-marin coréen à propulsion nucléaire). Le pays est confronté à la menace sous-marine, en rapide évolution, de la Corée du Nord. Le voisin du nord, avec qui ils sont techniquement toujours en guerre, ne possède pas de sous-marins nucléaires. Mais il construit des sous-marins conventionnels dotés d’armes nucléaires. Si les sous-marins sud-coréens sont par eux-mêmes bien plus modernes ils ne peuvent faire face, à niveau, à des menaces nucléaires .
Les sous-marins nucléaires offrent aux marines de nombreux atouts par rapport aux sous-marins diesel-électriques. Ils peuvent soutenir pendant bien plus longtemps des vitesses de transit bien plus élevées. L’endurance du sous-marin et donc la durée de son déploiement , est limitée par l’équipage plutôt que par la propulsion.
Les sous-marins diesel-électriques, qui sont le pilier de la force sous-marine de la Corée du Sud, peuvent patrouiller quelques semaines. Lorsqu’ils retournent à la base, Ils sont particulièrement vulnérables lors du retour vers le port-base. Les sous-marins nucléaires peuvent patrouiller pendant des mois sur de bien plus vastes espaces.
Les sous-marins diesel-électriques actuels de la Corée du Sud sont parmi les plus performants et les plus modernes au monde. Beaucoup ont une pile à combustible de conception allemande AIP (Air Independent Power). Leur classe KSS-III est remarquable : premier sous-marin AIP doté d’un système de lancement vertical (VLS) pour les missiles balistiques. Les missiles sont, dans ce cas, des engins s de frappe de précision à armement conventionnel.
L’industrie sud-coréenne s’intéresse à u n système AIP amélioré . Celui-ci disposera d’un reformeur de méthanol, qui promet d’être plus sûr, plus léger et plus compact. Pendant ce temps, le pays sera probablement l’un des premiers à déployer les dernières batteries au lithium à bord des sous-marins. Un essai est en cours.
Pourtant, si ces technologies réduisent l’écart entre les sous-marins diesel-électriques et nucléaires, et présentent des avantages tactiques, elles ne sont vraiment pas comparables. Les sous-marins nucléaires seront toujours plus rapides, plus longtemps pour un spectre de missions plsu large
Partenaires internationaux potentiels pour un SSN sud-coréen
La Corée du Sud pourrait « la jouer solo ». Mais il serait plus rapide et moins risqué de travailler avec un pays déjà expérimenté. Comme l’Australie, la Corée du Sud cherche l’appui de partenaires étrangers disposant de sous-marins nucléaires. Ainsi en serait-il, évidemment, des États-Unis et de la France.
Pour beaucoup, le partenaire naturel serait les États-Unis qui se spot montrés réticents à partager la technologie de propulsion nucléaire, jusqu’à la mise n place de l’accord AUKUS. Mais, même avec cela; il ne semble pas y avoir d’évolution en ce sens, du moins publiquement.
Que la Corée du Sud dispose de réacteurs américains qui utilisent actuellement de l’uranium hautement enrichi ne serait pas une infraction à quelque traité mais donnerait l’impression de livrer de l’uranium de qualité militaire. Mauvaise image !
Notons que les sous-marins nucléaires de l’US Navy, de taille et de prix importants, vont vraisemblablement au-delà des besoins et des ambitions de la Corée du Sud.
Outre les États-Unis, la Corée du Sud a mis en place une stratégie d’approvisionnement internationale efficace auprès de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France et même de la Russie qui ont fourni des technologies modernes au profit du sous-marin local KSS-III.
Si la Corée du Sud utilisait la classe KSS-III comme base pour KSS-N, alors la France pourrait être un partenaire principal plus évident. Les réacteurs français utilisent de l’uranium faiblement enrichi, comme la plupart des applications civiles. Si, au plan opérationnel, cela peut être un inconvénient en raison de changements de coeur plus nombreux, ce serait, politiquement, une force.
La France construit des sous-marins nucléaires depuis des décennies et assiste le Brésil dans un projet similaire. Dans ce cas, le Brésil conçoit et construit le réacteur, la France aidant à la conception et à l’intégration des sous-marins. Pour KSS-N, on pourrait s’attendre à voir un réacteur français.
Le dernier sous-marin français de la classe Suffren a un diamètre de coque légèrement plus grand que celui du KSS-III. Le diamètre est la dimension la plus importante ici car il dicte la taille physique des systèmes. Il est peut-être possible que le réacteur français puisse cependant tenir dans la coque du KSS-III. La classe Rubis précédente, beaucoup plus petite, prouve que la propulsion nucléaire ne nécessite pas nécessairement un sous-marin physiquement grand.
Le KSS-III est relativement grand pour un sous-marin non nucléaire. Le réacteur nucléaire pourrait s’y insérer, remplaçant le compartiment coque actuellement utilisé pour l’AIP. Avec la réduction des batteries, cela pourrait permettre seulement une petite augmentation de la taille globale. Naturellement, la disposition exacte de la machinerie de propulsion et le degré d’isolation acoustique peuvent être un facteur. Mais il n’est pas difficile d’imaginer un bateau basé sur le KSS-III avec un réacteur français. Ou l’assistance française avec un réacteur coréen.
L’idée que la France puisse aider la Corée du Sud pour concevoir des sous-marins nucléaires a été évoquée par les deux pays. l’accord AUKUS et la montée en puissance des forces sous-marines asiatiques ne peuvent que contribuer à en renforcer l’idée.
Si la Corée du Sud possède des capacités avancées en matières de sous-marins elle est de plus en plus autosuffisante dans les fondamentaux techniques . Un sous-marin à propulsion nucléaire ne semble dès lors pas hors de portée.
Source : Naval News par HI Sutton