Green waters navies (*) : Quoi d’autre que des sous-marins conventionnels ? Épisode 2
par le Contre-amiral (R) Luigi Fersini – Sous-marinier
(*) – Blue, green ou brown waters : les couleurs de la mer .
– le bleu désigne les espaces marins de grands fonds,
– le vert les eaux littorales et du plateau continental,
– le brun les zones de faibles fonds.
Les mini sous-marins
L’histoire de ces sous-marins remonte à la Seconde Guerre mondiale, avec plusieurs projets développés principalement par le Japon, l’Italie, l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. L’idée était de disposer d’un grand nombre de petites unités dotées d’un petit équipage et aux faibles coûts de production.
Au cours des décennies suivantes, la Yougoslavie, les Etats-Unis (avec le X-1), la Chine, la Russie, l’Espagne (avec le « Seal » et le « Tiburón ») et l’Italie (avec COSMOS – photo d’ouverture) ont continué à développer, produire et commercialiser des mini sous-marins dans le monde entier, COSMOS étant la seule société industrielle à avoir produit un nombre important de véhicules encore en service.
Ces types de petits sous-marins sont à ce jour en service dans plusieurs marines littorales, parfois en complément de sous-marins diesel conventionnels. Voici quelques-unes de ces marines :
- L’Iran met en œuvre le Nahang SS102, armé de 2 torpilles, capable mouillage de mines mines et utilisable comme plateforme SOF (*) ; et depuis 2007 les sous-marins de petite taille Ghadir (14 ?) armés de 2 torpilles de 533 mm et capables de lancer des missiles anti-navires et d’effectuer des opérations de pose de mines (photo suivante).
- La Corée du Nord possède encore 4 mini sous-marins de classe Yugo en service, également vendus au Vietnam en 1997, et au moins 40 mini sous-marins de classe Sang-O armés de 4 torpilles et capables de mouiller des mines.
- Le Pakistan a en service 3 mini sous-marins fabriqués par COSMOS dans les années 90, de la classe MG110, utilisés comme porteurs pour les SDV (*), mouilleurs de mines et aptes aux luttes ASM et anti-surface
- La Corée du Sud avait des mini sous-marins de classe 2016 en service jusqu’au Dolgora, armés de 2 torpilles de 406mm. Ils avaient été les premiers sous-marins en service, principalement utilisés pour acquérir de l’expérience et apprendre à conduire et exploiter des sous-marins.
- La marine colombienne a eu l’ « Intrepid » en service jusqu’en 2013 (S-21) et l’ « Indomitable »(S-22), Classe SX506, avec 2 torpilles externes et capable de transporter un SDV pour les opérations SOF).
Il faut noter que les sous-marins colombiens, comme ceux de la Corée du Sud, ont tous été construits par la société italienne COSMOS, dont les produits, bien que n’ayant pas les caractéristiques pour atteindre le niveau standard d’un sous-marin conventionnel de l’époque, étaient les mini sous-marins les plus complets, performants et modernes disponibles sur le marché.
De même, il convient de mentionner que les moyens nord-coréens Yugo (photo) dérivent des mini sous-marins yougoslaves, qui étaient à leur tour copiés sur les modèles originaux de COSMOS. En outre, on pourrait être surpris de constater que le mini sous-marin iranien Ghadir dérive également de l’engin produit par COSMOS.
Point n’est besoin d’évoquer les tentatives désastreuses de construction locale de mini sous-marins par les Vietnamiens (également inspirés par une longue négociation avec DRASS, le successeur italien de COSMOS) ou la Corée Nord pour des dérivés du design italien original fourni à la Corée.
Autre Solution
Dès lors, compte tenu des contraintes budgétaires communes à plusieurs pays (auxquelles s’ajoutent les coûts élevés des opérations de maintenance et de réparation effectuées sur les vieux sous-marins) et de la nécessité de conserver leurs capacités opérationnelles, existe-t-il une autre approche viable pour répondre aux besoins opérationnels de ces marines ? La réponse est peut-être oui, avec une nouvelle génération de sous-marins de petite taille extrêmement performants, à la pointe de la technologie, qui pourraient disposer des capacités suivantes :
– Naviguer à la fois en eaux peu profondes et en eaux profondes,
– Profiter de moyens embarqués de pointe (mât optronique, CMS et COMMS intégrés, sonar passif et d’équipement de guerre électronique, moteurs silencieux, batteries au lithium),
– Capacité d’emport de torpilles lourdes (4/6 x 533 mm), de mines, disposant de moyens d’évacuation et de la possibilité d’emport d’un véhicule SDV pour les opérations spéciales,
– Autonomie de navigation de 2000 à 4000 NM,
– Discrétion assurée grâce à une taille compacte, faible bruit,
– Possibilité d’être soulevé et récupéré par des unités de soutien en cas d’urgence,
– Équipage réduit.
Compte tenu de ces caractéristiques, pourquoi ne pas les considérer comme une autre option face aux navires conventionnels au profit des marines littorales ?
La première considération est qu’un mini sous-marin coûte environ un le quart du coût d’un sous-marin conventionnel. Sans considérer les économies dérivant de l’équipage réduit d’environ 10/12 personnes par rapport à celui d’un sous-marin conventionnel de 40/45 et parfois même plus (les sous-marins Kilo ont un équipage de 50 hommes).
En pratique, on peut supposer qu’avec un budget disponible de 900 millions d’euros (2/3 du coût d’un sous-marin conventionnel) une Marine peut acheter 7 ou même 8 mini sous-marins.
Avec ces capacités opérationnelles élevées, il devient évident pour une Marine que la capacité de dissuasion de mini sous-marins est supérieure à celle du conventionnel, étant donné la plus grande facilité de mise en œuvre et le plus grand nombre de zones surveillées, considérant que chaque sous-marin est affecté à une zone de patrouille (souvent une zone de forme rectangulaire dimensionnée en milles nautiques) ;plus le nombre de sous-marins disponibles est grand, plus la zone totale couverte est grande.
Pour définir cette zone, il est nécessaire de prendre en compte le type de capteurs embarqués – et leur performance- les caractéristiques attendues de la cible et la probabilité requise pour détecter ou intercepter cette cible particulière. Plus la zone est grande, plus les chances de détection de la cible sont faibles.
Pour ces raisons, il va de soi que le fait d’avoir plusieurs unités en mer en même temps permet de patrouiller de plus grandes zones sur une certaine période de temps, ce qui augmente la probabilité de détecter et de contrer les cibles ennemies.
Ce sont les principales raisons qui poussent de plus en plus de différentes Marines Littorales à s’intéresser et à évaluer avec un intérêt croissant la nouvelle génération de mini sous-marins et compact.
En outre, le même type de système d’arme (torpille lourde de 533 mm) et d’équipement est disponible à bord, ce qui correspond aux capacités opérationnelles d’un sous-marin conventionnel et en fait un choix logique pour les Marines ayant des besoins défensifs sur une zone géographique limités et des fonds peu importants [NDLR ; plateau continental prépondérant par exemple].
(*) : SDV pour caisson de pont crache-plongeurs – SOF pour forces spéciales
source : difesaonline