La vente à la Turquie de six sous-marins de Type 214T fait des vagues en Allemagne
Le 20 octobre, la presse d’outre-Rhin s’est fait l’écho d’une lettre adressée par le gouvernement grec à Berlin afin de demander l’arrêt des exportations d’équipements militaires vers la Turquie, en raison des menaces proférées par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à son égard dans le différend territorial qui opposent les deux pays en Méditerranée orientale.
La Turquie étant membre de l’Otan, l’Allemagne n’a aucune difficulté à lui vendre des armes. En théorie, du moins. En effet, quand Ankara lança son offensive contre les milices kurdes syriennes en octobre 2019, Berlin a décidé de suspendre les livraisons d’équipements militaires susceptibles d’être utilisés lors de cette opération. En revanche, les exportations concernant le domaine naval ne sont pas concernées par cette mesure.
Or, en 2009, le gouvernement allemand avait approuvé la vente, par le constructeur naval ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS], de six sous-marins de Type 214T à la Turquie, avec une garantie financière de 2,5 milliards d’euros. Et cela, dans le cadre d’une licence attribuée à Gölcük Naval Shipyard.
Et même si cette coopération a connu quelques accrocs, notamment à cause de retard dans l’exécution du contrat, il a été question, à un moment, d’une alliance entre TKMS et son partenaire turc pour proposer des sous-marins à plusieurs pays du sud-est asiatique, dont l’Indonésie.
Quoi qu’il en soit, le premier de ces six sous-marins, le TCG Piri Reis, a été mis à l’eau en décembre 2019. Et l’objectif est de lancer une unité nouvelle par an.
Doté d’une propulsion anaérobie à pile à combustible et diesel développée par la Howaldtswerke-Deutsche Werft, le sous-marin de Type 214T affiche un déplacement de 1.860 tonnes en plongée. Il est équipé de 8 tubes lance-torpilles de 533 mm et peut emporter des missiles anti-navires Harpoon de conception américaine. La Grèce en compte quatre exemplaires, acquis dans des conditions proches de celles faites à la Turquie.
Seulement, l’attitude de la Tuquie en Méditerranée orientale, qui lui vaut d’être menacée de sanctions de la part de l’Union européenne, pourrait remettre en cause la coopération de TKMS avec Gölcük Naval Shipyard.
En effet, étant donné qu’Ankara serait susceptible d’utiliser ses sous-marins pour appuyer ses revendications territoriales aux dépens de deux États membres de l’UE [la Grèce et la République de Chypre], certains responsables politiques allemands estiment que la donne a désormais changé. C’est notamment le cas du côté des Verts, qui ont déposé une motion au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] afin de mettre un terme à ce contrat relatif aux sous-marins.
« Il est irresponsable que l’Allemagne s’en tienne à l’accord sur les sous-marins alors que le président Erdogan menace militairement la Grèce, partenaire au sein de l’Otan, et ignore les droits de l’homme, l’état de droit et la démocratie dans son propre pays », a ainsi justifé Katja Keul, députée et experte en matière de sécurité au sein des Verts, dans les colonnes de l’hebdomadaire Der Spiegel.
Reste à voir si cette motion sera adoptée. En tout cas, elle aura le soutien des partis de la gauche allemande, dont le SPD, qui fait partie de la coalition gouvernementale. En effet, ces derniers mois, le chef de file des sociaux-démocrates au Bundestag, Rolf Mützenich, a multiplié les critiques au sujet des livraisons d’équipements militaires allemands à la Turquie, allant même jusqu’à remettre en cause l’adhésion de cette dernière à l’Otan. Sur ce point, il n’est pas le seul : un sondage réalisé en octobre 2019 avait montré que 58% des Allemands étaient sur la même ligne.
Source: Opex360