Le ministère des Armées lance la réalisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de 3e génération
Un peu plus de cinq ans après le début des études préliminaires, la ministre des Armées, Florence Parly, conformément aux orientations données par le président Macron, a lancé la réalisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de 3e génération [SNLE 3G], avec un premier marché qui, devant être prochainement notifié, portera sur les études de développement [jusqu’à la fin 2025] ainsi que la réalisation des premiers éléments de la coque et de la chaufferie du premier des quatre navires.
Dans le détail, le programme SNLE 3G est conduit sous la maîtrise d’ouvrage de la Direction générale de l’armement [DGA], en collaboration avec la Direction des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives [CEA] pour la propulsion nucléaire. La maîtrise d’œuvre a été confiée, sans surprise, à Naval Group ainsi qu’à TechnicAtome pour la conception et la réalisation des chaufferies nucléaires.
Le premier SNLE 3G doit être mis en service en 2035, ce qui marquera le début du renouvellement progressif de la composante océanique de la dissuasion nucléaire française, laquelle repose actuellement sur quatre sous-marins de la classe Triomphant. Le dernier sera livré à la Marine nationale en 2050.
« Les SNLE 3G répondront à l’évolution de la menace pour les 50 prochaines années, notamment en termes d’invulnérabilité [discrétion et furtivité] et ils embarqueront les versions les plus modernes du missile stratégique M51 », précise le ministère des Armées, précisant que ce projet fait partie du programme d’ensemble « Cœlacanthe ».
Selon quelques indiscrétions livrées ici ou là, le SNLE 3G devrait mesurer environ 150 mètres de long [soit 12 de plus que « Le Triomphant »] pour un déplacement de 15.000 tonnes en plongée et qu’il sera en mesure d’embarquer 16 missiles balistique M51. Au moins 110 marins seront nécessaires pour sa mise en œuvre.
Selon le ministère des Armées, le SNLE 3G bénéficiera d’une discrétion acoustique améliorée, avec un « revêtement de masquage collé sur tout sa coque de manière à réduire le bruit rayonné dans l’eau », ce qui mettra en échec les sonars passifs, ainsi qu’avec une propulsion encore plus silencieuse [sans doute inspirée de celle des sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Suffren]. Il disposera également d’une « discrétion magnétique innovante face à la menace aéroportée », d’une nouvelle usine de traitement de l’atmosphère du bord [ce qui renforcera la discrétion] et de senseurs aux performances accrues.
À ce sujet, on sait déjà que Thales a d’ores et déjà été désigné pour mener à bien des études et des développements technologiques du système sonar qui équipera les SNLE 3G, notamment à partir de l’Antenne Linéaire Remorquée à technologie optique [ALRO].
Cela étant, outre le fait que le développement d’un SNLE est un défi technologique en soi [il s’agit de faire cohabiter une centrale nucléaire avec un centre spatial dans un tube de 150 mètres de long], anticiper les menaces futures est un exercice des plus délicats, d’autant plus que l’état de l’art en matière de détection sous-marine évolue en permanence.
Qui plus est, de nouvelles pistes sont apparues récemment, comme la détection des antineutrinos émis par les sous-marins à propulsion nucléaire ou encore le recours à un satellite doté d’un LIDAR [Laser Imaging Detection And Ranging] associé à un radar micro-ondes, ce qui permettrait, théoriquement, de détecter des objets sous-marins jusqu’à 500 mètres de profondeur. Tel est, en tout cas, l’objectif du programme chinois « Guanlan », qui mobilise une vingtaine d’universités et d’instituts de recherche.
Si la première piste semble hors de portée pour le moment [elle exige des équipements très imposants], la seconde serait plus accessible. « Il sera sans doute aussi possible, à terme, de détecter depuis l’espace le fouillis de surface provoqué par le déplacement d’un sous-marin naviguant même à très faible vitesse et à grande profondeur, alors que le phénomène est quasiment indécelable aujourd’hui », avait en effet expliqué Laurent Collet-Billon, ancien Délégué général pour l’armement, en 2014.
Une autre menace pourrait bien être la généralisation de navires autonomes qui, dotés de capteurs toujours plus performants et fonctionnant en réseau, pourraient sillonner les mers à la recherche des sous-marins.
Quoi qu’il en soit, le ministère des Armées n’a donné aucune évaluation du coût relatif au programme SNLE 3G. La seule donnée que l’on connaît à ce sujet est le montant du budget alloué à la dissuasion nucléaire, ce dernier devant passer de 3,9 à environ 5,5 ou 6 milliards d’euros, à valeur 2017 constante, d’ici 2025.
Pour avoir un ordre d’idée [mais comparaison n’est pas raison], la Royal Navy devrait investir 49 milliards d’euros pour ses quatre futurs SNLE de la classe Dreadnought, qui seront légèrement plus imposants que les SNLE 3G français.
Mais le ministère des Armées, faute de parler argent, préfère évoquer les retombées économiques que générera le programme SNLE 3G, insistant sur les savoir-faire rares sur les plans technologiques et industriels qu’il exige.
Pour relever ces défis dans la durée, il convient de pérenniser une filière industrielle souveraine de premier plan en ingénierie et en production de sous-marins de fort tonnage et de chaufferies nucléaires embarquées. Cette filière d’excellence bénéficie à l’ensemble de l’industrie française navale, que ce soient les programmes nationaux ou export. Près de 90 % de la valeur ajoutée du programme SNLE 3G sera produite en France pendant plusieurs dizaines d’années, ce qui représente environ 3000 emplois directs de très haute qualification non délocalisables », a-t-il souligné.
Encore faut-il que l’existence de certains de ces fleurons, actuellement menacés, soit pérennisée. Tel est le cas, par exemple, des groupes CNIM [Constructions navales et industrielles de la Méditerranée, un acteur historique de la dissuasion française] et Aubert&Duval, le spécialiste des pièces métalliques à hautes performances.
source : Opex 360