L’une des armes les plus puissantes de la marine américaine fait une apparition rare à Guam.
Hong Kong (CNN) – L’une des armes les plus puissantes de l’arsenal de la marine américaine était, fait bien rare, en escale à Guam ce week-end (le 15 janvier dernier) : un message tant aux alliés qu’aux ennemis dans un contexte de tension croissante dans la région indo-pacifique, selon les analystes.
L’USS Nevada, un SNLE de la classe Ohio transportant 20 missiles balistiques Trident et des dizaines d’ogives nucléaires, a fait escale samedi à Guam. Depuis 2016 c’est la première visite d’un SNLE – un « bombardier » dit-on — et seulement la deuxième visite annoncée depuis les années 80.
« L’escale à Guam renforce la coopération entre les États-Unis et les alliés dans la région, démontrant ainsi la capacité, la flexibilité, la préparation et l’engagement continu des États-Unis en faveur de la sécurité et de la stabilité en région indo-pacifique », indique un communiqué de l’US Navy.
Les mouvements des 14 SNLE de l’US Navy sont généralement des secrets bien gardés. Grâce à l’énergie nucléaire, les SNLE peuvent naviguer en plongée pendant des mois, leur endurance n’étant limitée que par le ravitaillement nécessaire à leur équipage de plus de 150 marins. Selon la marine, les sous-marins de classe Ohio restent en moyenne 77 jours en mer avant de passer environ un mois au port pour maintenance et réapprovisionnement.
Il est rare qu’un sous-marin soit photographié en dehors des ports-bases de Bangor dans l’État de Washington, et de Kings Bay, en Géorgie. Le secret qui entoure ces sous-marins en fait « l’élément survivant le plus important de la triade nucléaire », qui comprend également les missiles balistiques en silo sur le continent américain et les bombardiers à capacité nucléaire tels les B-2 et les B-52.
Mais avec les tensions qui se développent entre les États-Unis et la Chine sur le statut de l’île autonome de Taïwan et alors que la Corée du Nord intensifie ses essais de missiles, Washington vient ainsi s’exprimer avec ses SNLE, ce que ni Pékin ni Pyongyang ne peuvent faire, selon les analystes.
« Cela envoie un message – intentionnel ou non : nous pouvons amener une centaine d’ogives nucléaires à votre porte sans que vous ne le sachiez ni même puissiez faire quoi que ce soit. Et l’inverse n’est pas vrai et ne le sera pas avant un bon moment », a déclaré Thomas Shugart, ancien commandant de sous-marin américain, et aujourd’hui analyste au Center for a New American Security.
Le programme de sous-marins balistiques de la Corée du Nord n’en est qu’à ses débuts, et la flotte chinoise, estimée à six sous-marins balistiques, n’est rien en comparaison de l’US Navy. De plus, les sous-marins lanceurs d’engins de la Chine n’ont pas les capacités des SNLE américains, selon une analyse réalisée en 2021 par des experts du Center for Strategic and International Studies.
Les sous-marins lance-missiles balistiques chinois de type 094 sont deux fois plus bruyants que les sous-marins américains, partant plus facilement détectables, et emportent moins de missiles et de têtes, ont écrit les analystes du CSIS en août.
Outre le signal politique, la présence de l’USS Nevada dans la région présente une autre caractéristique, a déclaré Alessio Patalano, professeur au King’s College de Londres : « La présence de ce type de bâtiment – pour entraînement ou exercices – fournit une belle opportunité pour apprendre à chasser les sous-marins des autres acteurs de la région ». Et d’ajouter : « La Corée du Nord poursuit le développement de ce type de plateforme, et la Chine en possède déjà. Acquérir la pratique du pistage des uns est tout aussi important que de déployer nos sous-marins en mission de dissuasion. »
La dernière escale d’un SNLE américain à Guam remonte à 2016, ; c’était celle de l’USS Pennsylvania.
Les analystes ont déclaré que les tensions dans l’Indo-Pacifique ont considérablement augmenté depuis lors, et que d’autres démonstrations militaires du type sont probables de la part de Washington dans le contexte actuel. « Ce déploiement nous rappelle que l’ordre nucléaire en mer dans l'(Indo-Pacifique) compte, et bien que ce ne soit pas largement évoqué nous pouvons nous attendre à en voir de plus en plus quant à l’évolution de l’équilibre stratégique régional », a déclaré Patalano.
source : CNN contributeur Alain Giuliani