L’US Navy envisage d’équiper ses futurs sous-marins d’attaque de massifs gonflables.

La marine américaine étudie la possibilité d’équiper ses futurs sous-marins nucléaires d’attaque de massifs gonflables, qui se déploient quand nécessaire, mais qui restent effacés pour préserver la vitesse, la manœuvrabilité et la furtivité acoustique du sous-marin. On espère que le système de massif gonflable déployable (IDSS) débouchera sur une technologie qui permettra au sous-marin d’attaque de nouvelle génération, ou SSN(X), de « naviguer en plongée sans les inconvénients d’un massif ».

Dans un document publié au début de l’année sur le site Web du programme Small Business Innovation Research (SBIR) et Small Business Technology Transfer (STTR) de la Marine, dans le cadre duquel celle-ci peut à fournir des fonds aux entreprises jeunes ou petites, le Naval Sea Systems Command (NAVSEA) précise ses besoins initiaux pour l’initiative IDSS. L’objectif défini est le suivant : « Développer une technologie qui fera évoluer la conception traditionnelle des sous-marins vers un système de massif gonflable déployable (IDSS) pour les futurs sous-marins ».


L’un des derniers sous-marins de la classe Virginia, l’USS Vermont (SSN-792), à la base sous-marine de New London, le 24 décembre dernier. Le massif proéminent pourrait disparaître de la prochaine génération de sous-marins d’attaque de la marine américaine

Si l’IDSS pourrait représenter une technologie de pointe pour la marine, il convient également de noter que la Chine a dévoilé ces dernières années un modèle de sous-marin sans massif.

Au départ, on a supposé qu’il s’agît d’une conception sans équipage, mais le consensus est maintenant qu’il s’agit probablement d’un banc d’essai pour les nouvelles technologies avancées susceptibles d’être trouvées dans les futurs concepts de sous-marins chinois. Il est clair que l’un de ces concepts est un sous-marin sans massif.

Aux États-Unis également, des travaux de développement ont déjà été menés sur de nouvelles conceptions de massifs exotiques, bien qu’utilisant des sous-marins de taille inférieure. Ces travaux ont notamment eu lieu au Large Scale Vehicle Range (LSVR), qui fait partie du Acoustic Research Detachment (ARD) de la Marine, à environ 375 miles de l’océan, à Bayview, dans l’Idaho.

Le document de la NAVSEA note que vitesse, manœuvrabilité et furtivité sont les facteurs principaux du concept de l’IDSS, mais identifie le principal défi qui devra être relevé pour qu’il fonctionne réellement : comment faire naviguer en toute sécurité un sous-marin sans massif. Traditionnellement, le massif est utilisé comme passerelle en surface et fournit un accése au personnel.

Se projetant bien au dessus de la surface de l’eau, un massif traditionnel peut également être utilisé pour faciliter les opérations de réapprovisionnement vertical (VERTREP). Elle offre également une position à partir de laquelle il est possible d’assurer la protection du bâtiment, et elle a pour fonction importante de briser la glace et fournir une issue vers l’extérieur lors des opérations dans les eaux polaires.

De plus, le massif est normalement utilisé pour abriter des capteurs importants comme les périscopes, les mâts d’antenne de communication, ainsi que les systèmes de capteurs électromagnétiques et radar. Dans le passé, lorsque les sous-marins passaient la plupart de leur temps en surface lorsqu’ils étaient engagés dans un combat, le massif incorporait également un centre de commandement physique, mais les conceptions plus modernes ont les onctions critiques à l’intérieur de la coque épaisse. Le massif peut même être utilisé en espace dd stockage au profit des forces d’opérations spéciales.

Enfin, celui-ci peut parfois servir d’emplacement pour des drones osu-marins, bien que cela devienne un élément de conception moins courant, comme en témoigne leur relocalisation dans la coque sur les SSN de la classe Los Angeles à partir du standard 688i amélioré. Les drones sous-marins rangés dans le massif restent une caractéristique des sous-marins à missiles balistiques de la Marine, y compris peut-être la future classe Columbia.

L’IDSS ne devrait pas comporter de systèmes de capteurs, qui devront être intégrés à la coque.

Les exigences spécifiques de la NAVSEA pour un massif gonflable sont une hauteur minimale de 16 pieds (la distance entre la ligne de flottaison et le sommet du dispositif), la capacité d’accueillir au moins deux membres d’équipage sur l »avant du panneau de pont, et deux autres derrière eux, ainsi que toute l’énergie, l’éclairage et les communications nécessaires, un pare-brise escamotable, des coffres de rangement, etc… Bien entendu, il faut également prévoir un moyen d’accéder dans la coque épaisse ou d’en sortir, via un système d’échelles, le poids de l’ensemble faisant moins de 1800kg. La structure devra également être résistante, d’emploi possible en eaux glacées et garantir une protection contre les tirs d’armes légères.

autres contraintes opérationnelles minimales exprimées : l’exigence de 10 000 cycles opérationnels, la capacité de maintenir la forme à l’immersion périscopique, jusqu’à mer 6, et à des températures allant de -50°C à + 65°C.

Structure gonflable généralement souple ou hybride souple/rigide avec un pont rigide ou hybride rigide, l’IDSS devrait se déployer ou se rétracter en une minute seulement, la pressurisation étant assurée par de l’eau de mer et/ou de l’air.

« Les charges structurelles, les opérations de déploiement/rétractation et les mécanismes de stabilité requis présentent des défis importants en termes de conception et de matériaux pour un massif gonflable et déployable », note la NAVSEA.

Le commandement suggère que l’industrie pourrait s’intéresser à certains des types de structures souples gonflables actuellement utilisés ailleurs au Pentagone, ainsi que par la NASA, qui étudie les conceptions d’habitats spatiaux gonflables, par exemple. En particulier, ces technologies comprennent « des surfaces de contrôle gonflables, des absorbeurs d’énergie déployables et des structures temporaires à la demande ».

Le document mentionne ensuite plusieurs des fibres synthétiques avancées qui sont utilisées dans ces types de structures gonflables souples, parmi lesquelles le Kevlar est probablement la plus connue, mais aussi le Vectran, le DSP (polyester à stabilité dimensionnelle), le PEN (polyéthylène naphtalate) et le Spectra, un type de polyéthylène à poids moléculaire très élevé.

« Les structures souples envisagées pour le développement de l’IDSS peuvent inclure, sans s’y limiter, des volumes de contrôle construits à partir de membranes gonflées, de préformes tissées en 3D, de vessies souples, de tissus enduits et de systèmes de matériaux hybrides (souples/rigides), ainsi que des connexions entre produits durs et produits souples », poursuit le document. « Les structures gonflables hybrides peuvent inclure des éléments gonflables avec des renforts semi-rigides ou entièrement rigides servant de commandes de mise en forme du déploiement et de surfaces de contact résistantes à l’abrasion. »

En fin de compte, la NAVSEA pourrait demander aux parties intéressées de produire des prototypes IDSS grandeur nature issus de leurs concepts de virtuels qui permettront de tester le gonflage/dégonflage et la résistance aux vagues et aux chocs associés.

Bien entendu, ce n’est pas pour tout de suite et, bien que le document ne fournisse aucun calendrier, le dernier rapport du Congressional Research Service sur le SSN(X) n’envisage pas qu’un premier exemplaire du nouveau sous-marin soit acheté avant l’année fiscale 2031. Il est également possible que l’IDSS, s’il s’avère efficace, ne soit introduit que sur des variantes ultérieures du SSN(X).

La marine ne sait si le SSN(X) devrait être une suite de l’actuel modèle de la classe Virginia, un modèle basé sur le SSBN de la classe Columbia ou un modèle entièrement nouveau. En décembre dernier, WarZone indiquait que le navire serait nettement plus grand que le Virginia, ce qui le rapprocherait des dimensions du Seawolf, tout en utilisant la technologie développée pour la classe Columbia.

Si l’IDSS est un succès et est adopté dans le cadre du programme SSN(X), une phase ultérieure du développement, telle qu’envisagée par la NAVSEA, verrait son adaptation à d’autres applications potentielles, à savoir « les futures armes sous-marines, les drones sous-marins (UUV) ou de surface (USV) et le double usage commercial/industriel ».

Cette dernière catégorie est particulièrement variée, englobant les véhicules plus légers que l’air (LTA), les structures et les habitats des véhicules spatiaux, les « systèmes de confinement chimique/biologique pour une utilisation interne à bord des avions et des véhicules terrestres de transport », etc.

Il est clair que la marine américaine envisage désormais sérieusement d’exploiter les futurs sous-marins nucléaires d’attaque avec des constructions gonflables à la place des massifs traditionnels. Bien que cette proposition semble offrir, sur le papier, des avantages considérables, le développement d’une technologie fiable est susceptible d’être une proposition beaucoup plus difficile : si, par exemple, le massif gonflable ne se rétracte pas correctement cela rendra le sous-marin très vulnérable et pourrait mettre fin à sa mission.

Mais, si l’initiative de la NAVSEA est couronnée de succès, elle pourrait modifier définitivement l’aspect des sous-marins d’attaque à venir et en ferait des bâtiments de guerre encore plus efficaces.

source : The WarZone