M. Erdogan évoque une coopération entre la Turquie et la Russie dans le domaine des sous-marins
Les relations entre la Turquie et la Russie sont compliquées en raison de leur opposition dans certains dossiers. Ainsi, les deux pays soutiennent des camps opposés en Syrie, de même qu’en Libye. Et la proximité d’Ankara avec Kiev, tant au niveau diplomatique que militaire, a de quoi irriter Moscou.
Pour autant, l’un et l’autre peuvent avoir des intérêts communs, au point d’envisager des coopérations, comme en témoigne la rencontre, à Sotchi, le 29 septembre, du président russe, Vladimir Poutine, avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan.
« Parfois, les négociations ne sont pas faciles, mais elles se concluent sur un résultat positif. Nos services ont appris à trouver des compromis favorables aux deux parties » s’est félicité le chef du Kremlin au moment d’accueillir M. Erdogan. « Je pense qu’il y a un grand bénéfice au fait que la Turquie et la Russie continuent de renforcer leurs relations » a confirmé celui-ci.
Peu avant de s’envoler vers Sotchi, le président turc avait confirmé l’intention de son pays d’acquérir un second lot de systèmes de défense aérienne S-400 « Triumph » auprès de la Russie, quite à encore accentuer les différends avec les États-Unis et l’Otan.
Pour rappel, pour avoir acquis quatre batteries de S-400, la Turquie a été exclue du programme d’avion de 5e génération F-35, conduit par l’américain Lockheed-Martin, et son industrie de l’armement a été sanctionnée par Washington en décembre dernier.
Cela étant, et outre ces discussions sur l’achat éventuel de systèmes S-400 supplémentaires, Ankara a déjà laissé entendre que l’acquisition d’avions de combat russes pour remédier à son exclusion du programme F-35 pouvait être une option. Ce qu’a une nouvelle fois confirmé M. Erdogan à son retour de Sotchi, selon l’agence de presse Anadolu. Mais il est même question de pousser la coopération militaire avec la Russie encore plus loin.
« Nous avons parlé de ce que nous pourrions faire concernant la construction des moteurs d’avion et à propos des avions de combat », a en effet affirmé M. Erdogan à propos de son entretien avec son homologue russe.
S’agissant des moteurs d’avion, le président turc fait probablement référence à l’aide proposée par la Russie pour la motorisation du TF-X, le programme d’avion de combat turc de 5e génération. Cette offre a encore été récemment évoquée par Dmitri Chougaïev, le directeur du Service fédéral russe pour la coopération militaire et technique [FSVTS].
« Il existe des domaines intéressants où nous pourrions apporter une assistance technologique compte tenu de l’expérience que possèdent nos spécialistes dans le développement et la fabrication d’avions. Et nous sommes prêts à partager notre expertise avec nos partenaires turcs. Mais il est prématuré de parler de détails précis à ce stade » avait en effet déclaré ce responsable russe, en août dernier.
Mais M. Erdogan a évoqué un autre domaine de coopération possible. Et si jamais une entente venait à être trouvée avec Moscou, alors l’adhésion d’Ankara à l’Otan sera plus que jamais remise en question.
Ainsi, a déclaré le président turc, « un autre domaine dans lequel nous pouvons agir ensemble est la construction de navires. Si Dieu le permet, nous pouvons même prendre des dispositions communes pour des sous-marins ». Sur ce point, étant donné la nature des opérations sous-marines qui exigent un haut degré de confidentialité, il est inconcevable qu’un membre de l’Otan puisse éventuellement partager des informations dans ce domaine avec un pays qui considère l’Alliance comme son principal adversaire.
Reste que M. Erdogan ne s’est pas fait plus précis sur cette question des sous-marins, notamment au sujet de leur mode de propulsion. Pour rappel, la Russie dispose de tels navires à propulsion diesel-électrique, comme ceux appartenant aux classes Improved Kilo, Amour 950 et Amour 1650 [celle-ci étant destinée à l’exportation].
Par ailleurs, la marine turque attend six sous-marins U-214T, commandés auprès de l’Allemagne en 2009. Leur construction se fait dans le cadre d’une coopération entre Gölcük Naval Shipyard et ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS].
Cependant, et alors que le premier de la série – le TCG Piri Reis – a été mis à l’eau en 2019, des voies se sont élevées outre-Rhin pour critiquer ce contrat, notamment après les tensions entre Ankara et Athènes en Méditerranée orientale. Mais le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, et son homologue de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, se sont opposés à l’arrêt de ce programme.
« Je ne pense pas que la demande d’un embargo sur les armes contre la Turquie soit stratégiquement correcte. Ce n’est pas facile de prendre une telle décision contre un partenaire de l’Otan. Nous avons vu que la Turquie, alliée de l’Otan, a acheté des missiles à la Russie parce qu’elle ne pouvait pas les obtenir auprès des États-Unis », avait expliqué M. Maas, en décembre 2020.
Pour rappel, le sous-marin de type 214T est doté d’une propulsion anaérobie à pile à combustible et diesel. D’un déplacement de 1860 tonnes en plongée, il est équipé de 8 tubes lance-torpilles de 533 mm et peut emporter des missiles anti-navires Harpoon de facture américaine.
source : Opex360