Quel avenir pour les drones sous-marins de l’US Navy ?
L’effondrement de la production de drones sous-marins menace les plans de la marine pour répondre au nouveau concept « Distributed Maritime Operations » ( DMO) (*)
L’administration Biden a hérité du Pentagone de Trump une série de programmes exploratoires visant à transformer la façon dont les opérations militaires sont menées.
Ces programmes sont nés d’une réorientation de la stratégie de défense américaine vers les rivalités entre grandes puissances et d’une augmentation correspondante du financement de la modernisation militaire.
Au sein de la marine, les priorités les plus importantes étaient (et sont toujours) les tirs à grande distance, les réseaux numériques et les drones.
Cette analyse porte sur les efforts de la marine pour introduire une série de systèmes de drones dans la flotte opérationnelle d’ici 2030, et en particulier sur les efforts fluctuants pour produire des véhicules sous-marins pouvant fonctionner sans intervention humaine.
Il s’agit d’un sujet compliqué, mais le secrétaire de la Marine et le chef des opérations navales (CEMM américain) ont déclaré qu’il était vital de mettre en œuvre le nouveau concept DMO au sein de l’US Navy.
Les opérations distribuées impliquent la mise en service d’une flotte plus importante dans laquelle les drone et robotique jouent un rôle croissant.
Les systèmes décrits dans programme « cadre d’étude pour une campagne d’enginssans équipages », publié en mars dernier, sont censés augmenter considérablement la couverture des océans du monde par la marine en fournissant une meilleure reconnaissance et en effectuant des tâches qui sont soit trop dangereuses, soit trop répétitives pour être confiées à des marins.
Ils sont également censés permettre des économies substancielles.
Byron Callan, de Capital Alpha Partners, a récemment indiqué que la mise en œuvre d’une task force anti-sous-marine dans l’Atlantique Nord coûte 124 millions de dollars par mois ; il devrait être possible d’effectuer bon nombre des tâches nécessaires à l’aide d drones pour une fraction de ce montant.
Mais il faut d’abord disposer de systèmes matures, prêts à assumer ce qui est traditionnellement un processus exigeant en personnel.
Les progrès de la Marine en la matière ont été inégaux et, dans le cas des engins sous-marins téléguidés – le type le plus mature de systèmes maritimes téléguidés – ils paraissent régresser.
Le problème commence par la complexité de réalisation de prototypes de systèmes téléguidés : la Marine ne se contente pas de rechercher des submersibles téléguidés, elle finance également des systèmes aériens téléguidés, des navires de surface téléguidés et des véhicules terrestres téléguidés pour le Corps des Marines.
Mais les drones ont des qualités uniques, notamment dans leur capacité à accomplir des missions dangereuses telles que la lutte contre les mines et la collecte de renseignements tout en opérant à proximité de forces hostiles.
L’exploitation d’un drones aériens ou d’un navire de guerre de surface à proximité de la Chine serait à oublier en temps de guerre, mais un drone sous-marin passerait probablement inaperçu pendant qu’il reconnaîtrait et décrirait le champ de bataille du littoral.
La logique du développement d’une famille de drones sous-marins est donc facile à comprendre.
La marine envisage des systèmes dont la taille varie de dix centimètres de diamètre à plus de deux mètres.
Ainsi, Boeing BA a un contrat pour développer un « drone sous-marin de très grande taille » baptisé Orca qui pourrait transporter diverses charges utiles au cours de missions de longue durée.
De nombreux détails opérationnels sont secrets, mais il semble que l’Orca sera capable d’opérer à des profondeurs bien plus importantes que celles atteintes par les sous-marins en équipage.
La coque du navire est fabriquée par Huntington Ingalls Industries (HII) qui, comme l’intégrateur de systèmes Boeing, contribue à mon groupe de réflexion.
L’Orca semble progresser régulièrement vers le statut opérationnel – cinq au moins seront construits – mais la situation générale des drones sous-marins n’est pas encourageante.
En fait, le nombre susceptibles d’être produits pour la marine en 2022 est à son plus bas niveau depuis plus de dix ans.
Le problème n’est pas lié à des obstacles technologiques, mais à un processus budgétaire incohérent et imprévisible qui prive les drones sous-marins des fonds nécessaires au prototypage de systèmes potentiels afin qu’ils puissent être rapidement intégrés dans la flotte.
Pour commencer, les fortes augmentations budgétaires des années Trump sont apparemment terminées, et le Congrès ne semble pas pouvoir se mettre d’accord sur un budget pour l’année en cours ; au tiers de l’année fiscale en cours, la marine fonctionne en apnée financière en raison du gel des priorités de dépenses de l’année précédente.
Cet arrangement est un anathème pour un domaine de mission où les nouveaux concepts exigent plus d’argent pour être menés à bien.
Mais les drones marins se heurtent à un autre obstacle dans le processus de budgétisation, car les commissions d’autorisation et d’affectation sont sceptiques quant à l’utilité future des drones
Les commissions prétendent que la technologie n’a pas atteint un niveau de maturité tel qu’elle mérite le type de financement que la marine recherche.
Ce raisonnement ne tient pas compte du fait que la marine utilise des drones sous-marins depuis les années 1990 et que, sans argent pour le prototypage, il est impossible d’atteindre le niveau de maturité technologique requis.
Avec des niveaux de production susceptibles de chuter cette année, il sera difficile pour l’industrie de maintenir la main-d’œuvre et la chaîne d’approvisionnement nécessaires à l’exécution des plans de la Marine pour l’introduction d’une nouvelle génération de drones sous-marins.
Il n’est pas difficile de voir où cela mène : si les drones sont essentiels à la mise en œuvre des « opérations maritimes dispersées », mais qu’ils ne sont pas prototypés ou produits au rythme requis pour être déployés à grande échelle, alors les opérations distribuées ne se réaliseront pas dans les délais envisagés par la Marine.
Les montants financiers nécessaires pour résoudre ce problème sont modestes et, selon les normes de Washington, de quelques centaines de millions de dollars par an : le prix d’un expresso par contribuable
Mais si le problème n’est pas corrigé, il pourrait avoir de graves conséquences sur la capacité de la marine à atteindre ses objectifs opérationnels, dans le Pacifique occidental notamment, et à courte échéance.
(*) : « Dispersion de la Flotte pour garantir tout à la fois survie et capacité de destruction »
source: Forbes