« Une Perle rare »
J’ai eu la chance d’être convié par Naval Group hier, avec certains journalistes, pour visiter le chantier du « Perle ».
25 minutes passées à bord et, surtout, une bonne partie de la journée à discuter avec des experts, des soudeurs, des techniciens du chantier.
Les nombreuses infos intéressantes ne peuvent faire oublier la forte impression ressentie en se retrouvant face à deux SNA :
– le Q899 (ancien avant du Perle et l’arrière du Saphir) ; voir la coque avec les stigmates de l’incendie est impressionnant ; outre la couleur, on voit surtout les traces du feu sur le massif ;
– le Perle, encore en cours de préparation, avec sa soudure toute neuve ; une grande partie des échafaudages était déjà retirée ; il se présente non peint, sans appendices à l’extrême arrière
Anecdote : Les « marcheurs », utilisés pour la première fois pour des SNA, étaient en limite de tolérance… basse ! Ils sont en effet prévus pour supporter un certain poids, ici en limite de tolérance pour déplacer des tronçons de SNA presque trop légers.
J’ai pu avoir pas mal d’informations et de détails sur les travaux.
Pour revenir sur la soudure, ayant échangé près d’une heure avec les soudeurs, c’est finalement un travail « classique » pour eux. Ils nous ont expliqué la méthode, les défis, le temps passé (plusieurs jours en 2×8 avec pas moins de 18 soudeurs). Les deux tronçons de coque, séparés d’environ 5 mm, sont chanfreinés puis chauffés pour préparer la soudure que l’on vient « remplir ».
Au final, couper la coque était, à la limite, plus critique que la ressouder car il ne fallait pas la fragiliser, surtout dans les derniers moments de la découpe.
La partie la plus complexe est en fait le raboutage des plus de 120 câbles et des douzaines de tuyaux (qui passent majoritairement côté tribord après la tranche réacteur). Pour ce faire, le Perle a donc été agrandi de précisément 1,49 m : 60 cm à partir de l’arrière du Perle, 80 cm pris sur l’avant du Saphir (via la double cloison).
Dans cet espace, une partie sera utilisée pour disposer d’une cambuse légèrement plus grande : l’ancienne cambuse sera, du coup, utilisée pour une nouvelle chambre de 5 couchettes.
Le Perle profitera de son IPER pour recevoir les torpilles F21, un périscope de veille optronique, de nouvelles tables tactiles au PCNO et, également, un nouveau sonar de flanc (et sûrement d’autres équipements, mais qui restent secret défense).
Pour ma part, je n’avais encore jamais visité de SNA et le voir à nu est très impressionnant : on voit bien le volume habitable qui paraît énorme (beaucoup moins quand les équipements seront remontés…).
Le chef de chantier m’a d’ailleurs précisé que le Perle était dans le même état quand il a pris feu (heureusement, il ne restait vraiment plus rien à part un nombre incalculable de câbles et de tuyaux , on ne peut qu’imaginer la violence de l’incendie).
Pouvoir passer sous la coque et observer de près tous les détails est très impressionnant, de même que de voir le massif à nu.
Le Perle va repartir sur Toulon vers octobre pour les opérations de raboutage et la poursuite de son IPER.
J’en ai profité pour tenter d’obtenir quelques infos plus sensibles :
– Quel était l’état de la coque du Saphir ? On m’a expliqué qu’à l’avant, pas de souci particulier, même s’il fallait reprendre quelques endroits, et l’on m’a confirmé que ce n’était pas la même sur l’arrière (sans rentrer dans les détails) ; la partie coque n’est donc pas un sujet en soi.
– J’ai aussi demandé ce qu’ils pensaient de l’opération de raboutage et des soucis techniques qui pourraient survenir, mais le personnel m’a confirmé que, pour les circuits, tout serait vidangé, éprouvé, contrôlé à terre, à quai, puis en essais.
De fait, les plus grosses difficultés seront liées à la tenue d’un planning assez serré.
Tous ici sont assez confiants quant aux performances du sous-marin malgré ces changements, même s’il faudra revoir la pesée et bien d’autres détails.
Pour ma part, une superbe journée et l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique (que certains ici ont dû vivre plusieurs fois).
Anecdote : J’ai demandé si des ouvriers qui avaient travaillé sur la construction du « Perle » à la fin des années 80 étaient à l’œuvre pour sa réparation : c’est au moins le cas pour une personne de Naval Group, proche de la retraite. Une personne qui aura donc pu retravailler sur ce sous-marin … près de 33 ans plus tard !
On peut être fier de l’engagement et de la compétence de personnes qui font tout pour faire revivre ce bateau.
NDLR : Merci à l’auteur pour nous avoir accordé la diffusion d’informations de qualité au profit des membres de l’AGASM et de nos nombreux et fidèles lecteurs.
Contributeur : David Morel https://800tonnes.com/fr/